« Les entreprises sont optimistes malgré les incertitudes »


Jean-Marc Falter, délégué de la Banque nationale suisse (BNS) aux relations avec l’économie régionale Genève/Jura/Neuchâtel, a donné une conférence en marge de l’assemblée générale de l’UPCF. Il revient pour nous sur la conjoncture actuelle, mais aussi sur l’affaire Credit Suisse. Interview.

Marie Nicolet

Pouvez-vous expliquer le rôle de la Banque nationale suisse dans la stabilisation de la conjoncture économique du pays ?
Le mandat légal de la BNS vise à assurer la stabilité des prix. Il s’agit de maintenir un taux d’inflation, c’est-à-dire une hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation, entre 0% et 2%. Pour lutter contre le risque d’inflation, la Banque nationale doit resserrer sa politique monétaire. Elle peut notamment le faire en relevant son taux directeur, ce qui rendra le crédit plus coûteux et entraînera un repli de la demande de biens et services. Ce faisant, le franc suisse s’apprécie, ce qui réduit aussi les prix à l’importation. A l’inverse, un risque de déflation sera contré par une baisse de taux qui stimulera la demande.

Quelle est votre évaluation actuelle de la conjoncture économique en Suisse ?
Le produit intérieur brut a enregistré une croissance soutenue au premier trimestre 2023. La création de valeur s’est intensifiée dans les services mais n’a que légèrement progressé dans l’industrie. Le marché du travail demeure solide et les capacités de production sont bien utilisées jusqu’ici. Cependant, nous nous attendons à une croissance modeste pour le reste de l’année. Ce ralentissement devrait résulter de la faiblesse de la demande extérieure, des pertes de pouvoir d’achat dues au renchérissement et du durcissement des conditions de financement. Dans l’ensemble, le PIB devrait progresser cette année d’environ 1%.

Depuis plus d’un an, la Suisse est confrontée à une inflation plus forte. Quelles mesures la BNS a-t-elle prises pour la contrer ?
A partir de la fin 2021, la BNS a laissé le franc suisse s’apprécier, ce qui a permis de contenir l’inflation importée. Depuis juin 2022, elle a procédé à cinq hausses successives du taux d’intérêt, le faisant passer de -0,75% à 1,75%. Comme elle l’a souligné lors de son examen trimestriel de juin 2023, elle continuera de resserrer sa politique monétaire si nécessaire.

En tant que collaborateur de la BNS, comment percevez-vous l’évolution de l’économie fribourgeoise à court et à long terme ?
A l’instar du reste de l’économie suisse, l’économie fribourgeoise a connu un solide début d’année 2023. Les entreprises semblent optimistes quant à l’avenir immédiat, malgré les incertitudes internationales. La bonne diversification du tissu économique et l’excellente capacité d’innovation contribuent à cette confiance. Les difficultés d’approvisionnement en matières premières ou matériaux s’atténuent, mais la pénurie de main-d’œuvre s’est imposée comme la principale préoccupation des entreprises, à Fribourg comme dans le reste de la Suisse.

Comment l’économie régionale absorbe-t-elle le rachat de Credit Suisse par UBS ?
Lors de nos contacts avec les entreprises, certaines ont exprimé des craintes quant à la stabilité financière lors des semaines qui ont immédiatement suivi la reprise du Credit Suisse par l’UBS. Rapidement, ces inquiétudes se sont atténuées. Toutes les fonctions systémiques ont été préservées, ce qui a évité des conséquences fâcheuses pour les entreprises. Ceci n’empêche pas certaines d’entre elles de déplorer la perte éventuelle de leur partenaire bancaire habituel.

Quels enseignements la BNS tire-t-elle de l’affaire Credit Suisse ?
Il conviendra de tirer un maximum d’enseignements de la crise du Credit Suisse afin de renforcer la résilience des banques et d’éviter autant que possible qu’une telle crise de confiance se reproduise. La BNS participera activement à ces travaux.

Quelle aurait été la situation si UBS n’avait pas racheté Credit Suisse ?
Un effondrement du Credit Suisse aurait eu des conséquences graves pour le système financier mondial et des répercussions dramatiques sur l’économie réelle. Nous savons que les récessions provoquées par des crises financières sont extrêmement durables et destructrices. Il aurait donc été irresponsable de ne pas agir dans ces circonstances. Il fallait trouver rapidement une solution afin d’assurer la stabilité financière et de protéger l’économie suisse.