Bernard Repond a obtenu son CFC d’ébéniste en 1964. Un diplôme qui l’a mené vers le patronat et un siège au comité directeur de l’USAM.
En montant les marches qui nous mènent au 5e étage du bâtiment de l’Union Patronale du Canton de Fribourg (UPCF), Bernard Repond sourit : « Je ne prends l’ascenseur que quand les escaliers sont en panne. » Une volonté de fer pour cet homme, ébéniste et menuisier de formation, qui vient de fêter ses 80 ans. Il prend place dans une petite salle de séance. Le regard droit, il pose devant lui ses mains. A gauche, il lui manque plusieurs phalanges à deux doigts. « J’ai eu ça après 47 ans de métier », glisse-t-il dans la conversation. Il a voulu remplacer les moquettes de sa bicoque par des parquets « à l’ancienne ». En sciant les planches, il a voulu ramasser une chute. « Deux centimètres en avant et il ne m’arrivait rien, deux centimètres en arrière et mon pouce aurait été brûlé. J’ai eu un coup de poisse. » Un des seuls dans sa vie, comme il le répète volontiers : « J’ai eu de la chance, la vie m’a gâté. » Aîné d’une fratrie de quatre enfants, il est né dans une famille modeste. Un papa charron qui a appris le métier sur le tas. « Je suis né dans la sciure », souligne-t-il- il avant de raconter sa passion pour la physique. « Mes parents n’avaient pas les moyens de me payer des études, alors je suis allé faire un apprentissage d’ébéniste à Bâle. » Formé en allemand, il rentre à Charmey puis entreprend une maîtrise tout en travaillant dans l’entreprise familiale. Il rate de peu ses examens : « J’ai été malade toute la nuit précédant l’épreuve de dessin, une fois sur ma copie, j’ai compris que c’était loupé. » Qu’à cela ne tienne, il repasse les épreuves l’année suivante, en 1974. Preuve d’une grande ténacité que Bernard Repond a peut-être apprise dans le cadre de son engagement dans l’armée, où il fait l’école de sous-officier puis d’officier. Il termine ses obligations militaires, soit environ 1400 jours, avec le grade de lieutenant colonel.
Engagé pour sa profession
L’entreprise familiale poursuit son développement et devient, en 1979, Bernard Repond SA. Le patron forme régulièrement des apprenti·e·s en les engageant sur leurs motivations plus que sur leurs bulletins de notes. « J’ai été heureux de pouvoir faire un apprentissage, former des jeunes était un moyen pour moi de rendre ce qu’on m’avait donné », explique-t-il avant d’enchaîner les anecdotes des apprenti·e·s qu’il a accompagné·e·s. Il parle de ce trentenaire de Winterthur, père de famille et infirmier en psychiatrie, qui cherchait une place d’apprentissage pour changer de voie. Ou de ce jeune de la vallée du Jaun à qui l’orthographe et les compétences en menuiserie faisaient défaut, qu’il a tout de même accompagné.
« Les pays voisins nous envient notre système de formation professionnelle et ils ont bien raison, c’est important pour l’économie et toutes les professions. »
Il évoque aussi les stagiaires qu’il n’a jamais renoncé à accueillir : « Je le dis aujourd’hui à mes petits-enfants, les stages sont le meilleur moyen de se faire une idée d’un métier. Il faut aller dans l’entreprise, être dans le bruit et la poussière, voir les machines et ce qu’elles représentent, toucher la matière, c’est la seule façon de trouver sa voie. » Que pense-t-il de la formation professionnelle aujourd’hui ? « C’est la meilleure des formations », s’exclame-t-il avant d’ajouter : « Les pays voisins nous envient et ils ont raison, c’est important pour l’économie et toutes les professions. »
En parallèle de son activité, Bernard Repond s’est énormément investi pour la défense de sa profession. Membre de l’association fribourgeoise des entreprises de menuiserie, ébénisterie, charpenterie et fabrique de meubles (AFMEC) depuis toujours, il a siégé puis présidé le comité de la section Gruyère-Veveyse ainsi que le comité central. On l’a demandé à la présidence de la Fédération romande des entreprises de charpenterie, d’ébénisterie et menuiserie (FRECEM) puis à celle de l’Union Cantonale des Arts et Métiers (UCAM), ancêtre de la Chambre patronale, organe politique de l’UPCF. Avec cette fonction, il a pu entrer à l’Union suisse des arts et métiers (usam) où il a occupé, durant une décennie, un siège au comité directeur dont quatre ans de vice-présidence.
L’heure de la retraite
Il énumère les vice-présidences, comme celle qu’il occupe, encore actuellement, au comité de la Fondation instituée en vue de promouvoir la formation professionnelle. Lignum suisse, le Centre dendrotechnique (Cedotec), un organisme indépendant de promotion du bois pour la Suisse romande, et de nombreuses autres associations liées aux métiers du bois ont eu la chance d’être menées par Bernard Repond. Sans oublier ses deux mandats au Conseil communal de Charmey. Et toutes les autres – de hobbys – qu’il a présidé ou fondé, comme le choeur mixte de Charmey ou la société de jeunesse villageoise qu’il a ouverte aux femmes. A 64 ans et 11 mois, Bernard Repond remet les clés de son entreprise à deux jeunes, dont un qu’il avait formé. « Je lui avais dit d’aller découvrir les méthodes de travail dans d’autres entreprises, c’est ce que je leur disais tout le temps », confie-t-il avant d’ajouter : « J’étais très content d’avoir pu trouver des repreneurs. Mon entreprise, c’était mon bébé. » Il faut dire que la famille compte beaucoup pour ce sportif féru de course à pied. Il a rencontré son épouse dans une chorale, un soir d’été, en 1971. « Nous ne fréquentions pas les bals, nous allions en randonnée », raconte-t-il. Ils se marient en 1976 et partagent toujours cette passion, que ce soit sur des peaux de phoque ou à pied. Les sommets ne font pas peur à l’ancien patron qui dit désormais redouter les descentes. « Mais vous savez, il faut éviter de vieillir avant qu’on ait l’âge », lâche-t-il taquin avant de répéter une ultime fois en repensant à son parcours : « Je suis très content de ce que j’ai accompli. J’ai eu
de la chance. »
Bernard Repond en bref
- 40 – le nombre d’apprenti·e·s qu’il a formé·e·s.
- 22 – le nombre maximum d’employé·e·s qu’il a eu dans son entreprise.
- 54 – en années, le résultat de l’addition de toutes ses présidences liées aux arts et métiers.
- 44 – le nombre de fois où il a participé à Morat–Fribourg, dont une avec le bras en écharpe.